J’ai souvent été appelée à m’expliquer de mon choix pour la Culture, le Cinéma documentaire, l’Art en général.

Cet effort de pédagogie, à reprendre sans relâche, n’existe dans aucun autre secteur d’activité. Il a provoqué chez moi beaucoup d’irritation, mais ne m’a jamais détournée de mes convictions. Parce que derrière les polémiques et la violence de certains propos se cache immanquablement une forme de peur ou qui sait d’envie, qui ne veut pas se dire…

« La branche de l’Agence d’État Rossotrudnichestvo et son soi-disant Centre de Russie pour la science et la culture, sous le couvert de la coopération culturelle et scientifique, sont engagés dans la diffusion de la propagande russe à travers le monde », écrit Tkachenko pour légitimer la fermeture de la Maison Russe des Sciences et de la Culture à Kiev.

Au-delà de cette bien triste nouvelle il faut en revenir à des choses simples. Celles qui font qu’au quotidien, je n’ai jamais douté de l’importance de la Culture et de la Science. Une certitude glanée au gré des expositions, visites, conférences, au gré de confrontations enrichissantes aux œuvres et aux hommes. Ce choc émotionnel et artistique ressenti dans ces seuls endroits où la Culture des Hommes ne devrait jamais être jamais un enjeu politique.

Les lieux dédiés aux arts, aux savoirs et aux sciences vous permettent de comprendre autrement le Monde et vous font grandir. Devenir homme. Devenir sage. Devenir humble. Émerveillement de l’apprentissage et de la découverte. Passerelle entre les hommes. Un temps de pause et de salut dans le tumulte du monde.

Je suis convaincue du rôle des Etats pour préserver cette construction fragile de la rencontre avec l’altérité.

Kiev en fermant cette Maison de la Science et de la Culture nie l’importance du Savoir et la grandeur de la Connaissance. C’est un message fort de la part de Kiev, celui du déni de la liberté. C’est la fermeture de la liberté d’expression, la fermeture à la culture de l’Etranger, de son voisin. C’est la fermeture de la Création et de la Mémoire.

Kiev, tu tiens entre tes mains l’intelligence de tes citoyens et de tes enfants. Ils seront hommes, un jour, pour cela il faut montrer la grandeur de la pensée, enseigner le respect d’un passé, ne rien cacher. Mais enseigner, encore et toujours, en éveillant le culte du savoir et le sentiment de l’infini que la Culture nous offre. Eveiller la vie de l’intelligence à travers les ouvertures, sans relâche.

En fermant ce lieu, c’est bien davantage qu’un bâtiment qui disparaît. C’est la relation à l’Autre, à l’Etranger, qui depuis toujours m’ont assurée que rien de plus important pour l’accomplissement d’une humanité, d’une vie, ne peut exister. Et qu’il faut ainsi se battre, travailler, contribuer, nourrir, et permettre à chacun et à chaque génération d’assurer sa diffusion et sa connaissance.

Ce sont ces lieux qui nous garantissent que nos vies n’auront pas été vécues en vain.