Le 7 juin, au CSRC à Paris, des livres de prix ont été remis aux lauréats du 3e Concours de traductions littéraires, tenu à l’occasion du 125e anniversaire de Sergueï Essénine, et aux lauréats du tour de qualification du concours littéraire « Jivaïa klassika ».

Initié par les associations françaises « Le Centre culturel Pouchkine » et « L’Association franco-russe Teremok » installées à Nancy, le concours de traduction connait aujourd’hui un réel succès.

Dans la catégorie adulte, la première place pour la traduction en français du poème « Le feuillage tourbillonne et s’envole… » a été attribuée à Svetlana Séville, docteur en philologie, professeur agrégé du département d’études slaves de l’Université de Bordeaux-Montaigne, coprésidente de la commission de l’éducation et de la langue russe et de la commission des relations scientifiques avec la Russie du Conseil de coordination des compatriotes russes en France.

Dans la catégorie enfant, la meilleure traduction a été réalisée par l’élève de la section russe du collège de Saint-Germain-en-Laye et de l’école d’enseignement complémentaire « Prélude » Elizabeth Séville, qui a remporté la première place pour sa traduction du poème « Au chien de Katchalov ».

Au total, les lauréats du concours de traduction 2020 représentent cette année sept régions françaises. Leurs meilleures créations sont publiées sur le site internet du CRSC à Paris.

Le tour de qualification du concours littéraire international « Jivaïa klassika » est un événement de grande envergure, même selon les critères français, qui se déroule dans le monde entier sous l’égide de Rossotroudnitchestvo. Cette année, il a de nouveau attiré de nombreux enfants talentueux, représentant 13 régions de France.

La curatrice du concours Svetlana Séville a reçu les dernières éditions et les albums illustrés sur la Russie, promis par le Centre lors du tour de qualification, qui seront remis solennellement aux gagnants. Cette année, ce sont Gordeï Afanassiev (Lyon) et Maria Mironova (Brest, France).

Avis de la presse

Les lauréats du 3e Concours de traductions littéraires, tenu à l’occasion du 125e anniversaire de Sergueï Essénine

Elisabeth SÉVILLE

12 ans
78300 Poissy

Au chien de Katchalov

Donne-moi ta patte, mon Jim, pour porter chance,
Une patte comme ça je n’en ai jamais vue.
Aboyons sous la lumière lunaire sans nulle décence
Sur ce temps doux d’un calme absolu.
Donne-moi ta patte, mon Jim, pour porter chance.

Je te demande, mon cher, ne me lèche pas.
Comprends avec moi les choses très simples :
Tu sais, en fait, la vie est pleine d’appâts,
Ça vaut le coup de vivre, par exemple…

Ton maitre est sympathique et reconnu,
Il reçoit bien souvent beaucoup de monde,
Et tous t’adressent des gestes saugrenus
Pour caresser tes poils quelques secondes.

Tu es si beau, c’est presque diabolique,
Avec ton air crédule qui donne du charme.
Comme un ami fidèle mais alcoolique,
Tu montres ta tendresse qui nous désarme.

Mon très cher Jim parmi tes invités
Il y a tellement de gens de toutes sortes.
Mais celle qui est si douce et attristée
N’a-t-elle encore jamais passé ta porte ?

Philippe GIBERGUES

13 ans
St-Gerlain-en Laye

Au chien de Katchalov

Cher Jim, pour le bonheur, tend-moi ta patte —
De toute ma vie, je n’en ai vu pareille.
Au clair de lune, nous allons aboyer :
Le monde est silencieux, nous sommes sans sommeil.
Cher Jim, pour le bonheur, tend-moi ta patte.

De grâce, mon grand, ne me lèche plus,
Avec moi comprends au moins un point très simple.
N’est-ce pas, tu ne sais guère ce que c’est la vie ?
Et pourquoi cela vaut la peine de vivre.

Ton maître est gentil, il est célèbre.
Il y a toujours des invités chez vous.
Et en souriant, tout un chacun s’apprête
A caresser tes poils de velours tout doux.

Avec toute ta beauté splendide et maléfique,
Tu es confiant, gentil et insouciant.
Et sans rien demander, dans ton ivresse tragi-comique,
tu me renverses, en m’embrassant.

Cher Jim, et au milieu de tous ces invités,
Il y en avait des importants et passagers,
Mais par hasard, n’as-tu pas vu passer
La plus timide qui parmi tous m’est la plus chère ?

Elle va venir, je te l’assure,
Et en fixant tes yeux sur elle, en mon absence,
Je te supplie, lèche-lui sa main
Pour tous mes torts et en clamant mon innocence.

Ivan YAROSLAVSKIY

16 ans
78300 Poissy

Au chien de Katchalov

Donne-moi, Jim, pour la chance ta patte,
Jamais je n’en ai vu de telle.
Allons hurler sous cette lune d’agathe
Par ce temps de silence, de calme intemporel.
Donne-moi, Jim, pour la chance ta patte.

S’il te plaît, mon mignon, cesse donc de me lécher.
Voyons seulement ensemble le plus simple peut-être.
Tu ignores ce qu’est la vie, ce qui la rend prisée,
Tu ne sais pas que vivre vaut bien qu’on se laisse être.

Ton maître est bon, aimé et renommé,
Et dans sa maison passent des foules d’invités
Et chacun, souriant, de s’efforcer
De caresser ta robe de velours ondulée

Tu es diablement beau à la manière d’un chien,
Avec ta douce mine, amicale et ouverte.
Et, sans à personne n’en demander rien,
Tel l’ami saoul, tu cours lécher les têtes.

Mon très Cher Jim, parmi tes invités
Il y a eu tout un sacré bataclan.
Mais d’entre eux la plus triste et réservée
N’est-elle pas venue visiter ton clan ?

Un jour elle arrivera, je t’en donne ma parole
Et moi absent, la fixant, l’air affable,
Fais-lui pour moi, ami, une léchouille frivole
Pour tout ce dont je fus et ne fus pas coupable.

Svetlana SÉVILLE

78300 Poissy

Le premier prix du Concours de traduction du
poème de Sergueï ESSENINE «Закружилась листва золотая»

Le feuillage tourbillonne et s’envole…

Le feuillage tourbillonne et s’envole
Semant l’or sur l’eau rose de l’étang.
Comme de frêles papillons qui s’affolent
Quand leur nuée vise un astre brillant.

Cette soirée reçoit tout mon amour,
Le vallon jaunissant m’est si cher,
Et ce vent — jeune coquin — par un tour
Lève la jupe d’une boulaie toute légère.

La vallée et mon âme sont toutes fraîches.
Si semblable à de bleus crépuscules,
Un troupeau de moutons se dépêche —
Les sonnailles retentissent et reculent.

Je découvre le simple délice
D’écouter la sagesse de ma chair :
Comme un saule et l’eau rose sont complices :
J’y plongerais vite la tête la première.

Qu’il serait bon, par les lèvres de la Lune,
De brouter à la meule et sourire…
Où es-tu ma si douce fortune,
Me faisant tout aimer sans désir ?

Nancy, juin 2020

Marie GODÉREAUX

Marly (57)

Le deuxième prix du Concours de traduction du
poème de Sergueï ESSENINE «Закружилась листва золотая»

Les feuilles dorées filent en tourbillonnant

Les feuilles dorées filent en tourbillonnant
Sur l’onde rosée de l’étang
Comme les papillons en légère nuée
S’envolent vers l’étoile, naufragés.

Je suis amoureux du soir qui tombe, aujourd’hui.
Qu’il m’est cher ce val qui jaunit !
Le vent coquin soulève entièrement
La robe du bouleau qu’il dénude aisément.

Dans la fraîcheur de mon âme et de la vallée,
Le bleu crépuscule avance, tel un troupeau.
Derrière la porte du jardin qui se tait,
S’estompe le tintement des grelots.

Je ne me suis jamais tant délecté
D’écouter la chair douée de raison.
Comme une branche de saule, qu’il serait bon
De s’abandonner dans l’onde rosée !

Qu’il serait bon, sur la meule allongé,
De sourire à la lune en mâchant des brindilles
De foin ! Où es-tu, ma joie, naguère tranquille,
A tout aimer et ne rien désirer.

Nancy, juin 2020

Jean-Paul ROCHE

Teyran (34)

Le troisième prix du Concours de traduction du
poème de Sergueï ESSENINE «Закружилась листва золотая»

Vers l’étoile incertaine, le papillon s’enfuit
De son vol hésitant, suspendu et léger
Ainsi la feuille d’or en tournoyant poursuit
Sa chute dans l’étang aux doux reflets rosés.

Admirant ce soir la campagne embrasée,
J’envie le vent naissant, voyageur insouciant
Qui se glisse, joueur, au creux de la vallée,
Agitant de son souffle les bouleaux jaunissants

La fraîcheur pénètre les âmes et le vallon
Et le jardin s’endort, sous une ombre bleuie
Au loin le tintement du grelot des moutons
Brise le silence, puis se tait, dans la nuit.

Je voudrais oublier les contraintes du corps,
Sur l’étang me courber et goûter l’eau rosée
Ainsi que fait le saule qui lentement se tord
Et offre à son feuillage un bain de pureté

J’aimerais me coucher sur la terre odorante
Et mâcher en riant l’herbe fraîche coupée
Je cherche le secret d’une vie insouciante
Afin que de ce monde, je ne vois que beautés.

Nancy, juin 2020

Bodil et Jean-Jacques LINHART

Joué-lès-Tours (37)

Le premier prix du Concours de traduction du poème de Sergueï ESSENINE «Ты запой мне ту песню» (Сестре Шуре)

Chante-moi la chanson… (A ma sœur Shoura)

Chante-moi la chanson que fredonnait jadis
Notre vieille maman. Je ne pleurerai pas
Le temps qui s’est enfui, ni l’espoir qui s’en va,
Je t’accompagnerai, en chantant moi aussi.

Vois, je saisis fort bien le trouble qui t’affleure,
Je perçois de ta voix le tendre tremblement,
Comme si, bien que je sois parti depuis longtemps,
Ce tremblement venait de notre chère demeure.

Chantons à l’unisson ce vieil air d’autrefois,
Et, en fermant les yeux, je reverrai l’image
De notre chère maman et de son doux visage
Qui, grâce à la chanson, resurgiront pour moi

De t’entendre chanter est ma consolation,
Et je sais qu’à jamais nous sommes deux à aimer
De notre beau jardin les feuilles du sorbier,
Charmant tapis d’ automne allant au portillon.

Et tu chantes, ma sœur, mon souvenir accourt,
Vois, ma tristesse s’enfuit, je n’ai rien oublié ;
Comme il m’est agréable de me remémorer
Maman et ses poulettes, triste et belle basse-cour.

Oui, j’ai toujours aimé le modeste bouleau
Noyé dans la rosée, perdu dans l’air brumeux ;
Son image me rappelle, souvenir bienheureux,
Mère, ses tresses dorées, son modeste sarrau.

Et voilà la raison de mon cœur si léger :
Grâce au vin que je bois et à ton chant si beau ,
Toi, tu m’es apparue, semblable au frêle bouleau,
Dressé sous la fenêtre de la maison aimée.

Nancy, juin 2020

Anne de GROSSOUVRE

Golbey (88)

Le deuxième prix du Concours de traduction du poème de Sergueï ESSENINE «Ты запой мне ту песню» (Сестре Шуре)

Chante-moi la chanson… (A ma sœur Shoura)

Chante-moi cette chanson qu’autrefois
Nous chantait notre vieille mère.
Et sans regret pour l’espoir éphémère,
Je saurai la fredonner avec toi.

Je la connais bien cette chanson
Fais donc tout trembler, sonne l’alarme,
Car c’est comme si, venant de la maison,
J’entendais dans cette voix une tendre larme.

Chante-moi, et par cette chanson-là
Oui, celle-là même, comme toi,
Fermant rien qu’un peu les yeux,
Je verrai de nouveau les traits affectueux.

Chante-la moi. Car c’est mon régal
De n’être pas seul à aimer à jamais
Et le portillon du jardin automnal
Et les feuilles tombées du sorbier.

Chante-la et je me souviendrai,
Et ne serai plus ni sombre ni distrait
Car il m’est si bon et si facile
De revoir notre mère et ses poules graciles.

Pour toujours, par-delà brouillards et rosée
J’aurai aimé, du bouleau, la présence,
Aimé ses tresses dorées
Et de son sarafane l’élégance.

C’est pourquoi mon cœur n’est pas de marbre :
Par-delà le vin et par-delà la chanson,
C’est toi qui me sembles cet arbre,
Dressé derrière la fenêtre de la maison.

Nancy, juin 2020

Florian VOUTEV

Trouville-sur-mer (14)

Le troisième prix du Concours de traduction du poème de Sergueï ESSENINE «Ты запой мне ту песню» (Сестре Шуре)

Chante-moi la chanson… (A ma sœur Shoura)

Chante-moi la chanson immuable
Que chantait notre mère autrefois.
Sans regret pour l’espoir périssable,
Je saurai fredonner avec toi.

Tant de choses son chant me rappelle,
Qu’il émeut et angoisse mon cœur —
Comme un foyer natal où ruissellent,
Par sa voix, des frissons de douceur.

Chante-moi — dans les sons qui s’égrènent,
Dans ces sons, comme toi, je me perds,
Dès que mes yeux se ferment à peine —
Je revois les traits qui me sont chers.

Chante-moi. Car cela me rassure —
Comme moi, tu n’as pas oublié
Du jardin automnal la clôture
Et les feuilles flétries du sorbier.

Chante-moi et avec toi je cesse
D’être cet étranger qui se tait :
Dans mes doux souvenirs transparaissent
Et ma mère, et ses poules attristées.

Emperlé de rosée matinale,
M’a conquis un bouleau accoutré
De jupons à bretelles en toile
Et paré de ses tresses dorées.

C’est pourquoi je retrouve un bien-être —
Grâce au vin, grâce à cette voix,
Le bouleau frêle, sous la fenêtre
De mon foyer natal, c’est toi.

Nancy, juin 2020