Le 7 novembre, dans le cadre des manifestations consacrées au 75e anniversaire de la Grande Victoire, à l’initiative de l’Agence fédérale Rossotroudnitchestvo et de l’Université linguistique d’État de Moscou (MSLU), la table ronde russo-française « Les interprétations historiques : Deuxième guerre mondiale » s’est tenue au Centre de Russie pour la science et la culture à Paris.

La partie russe était représentée par les experts en science historique suivants : le docteur en histoire de l’Université fédérale d’Oural, Olga Porshneva ; le professeur à l’Université linguistique d’État de Moscou, Alexeï Plotnikov ; le professeur associé à l’Université linguistique d’Etat de Moscou, Gennadi Samouïlov ; le candidat aux sciences historiques du Centre Militaire de Formation Professionnelle « l’Académie de l’Armée de l’air Nikolaï Joukovski et Youri Gagarine » de Voronej, Alexander Bogdashkin ; et le professeur de l’Université fédérale du Nord (Arctique) d’Arkhangelsk, Youri Barashkov.

Du côté français, ont participé à la discussion : le docteur en histoire de l’Université de Strasbourg, Thomas Siret, le professeur de l’Université Paris XII, Olivier Tournafond, et le président de l’Association Normandie-Souvenir-Avenir, Patrick Bunel.

Les rapports et les échanges des experts ont été consacrés à l’une des questions les plus épineuses de notre temps : la falsification et l’interprétation de l’histoire de la Seconde guerre mondiale depuis l’avant-guerre et le déclenchement des hostilités jusqu’à l’ouverture d’un second front et le débarquement des alliés en Normandie.

Au cours de la discussion, ont été analysés en détail des sujets importants, tels que les approches visant à préserver la mémoire de la guerre en Russie et en Europe ; l’instrumentalisation à des fins politiques de l’historiographie militaire ; la propagation de la fausse interprétation du pacte de non-agression entre l’URSS et l’Allemagne (le soi-disant «pacte Molotov-Ribbentrop») ; l’inacceptabilité flagrante de la résolution du Parlement européen du 19 septembre 2019, qui falsifie de manière éhontée la séquence historique de faits réels et d’événements historiques qui ont provoqué le déclenchement de la guerre.

Comme les experts l’ont rappelé, l’URSS était le dernier de la liste des pays européens qui ont signé le pacte de non-agression avec l’Allemagne. Cela a été précédé par un long travail de création d’un système de sécurité collective en Europe, saboté par la France et la Grande-Bretagne. Les historiens ont également souligné que le fait d’établir un lien de causalité entre des événements chronologiquement rapprochés est, malheureusement, une erreur méthodologique répandue, mais inacceptable, en science historique.

Les sujets suivants ont également suscité un vif intérêt : le silence autours du complot de Munich (les Accords de Munich de 1938) et des autres pactes européens avec l’Allemagne qui l’ont précédé ; la collaboration militaire des grandes entreprises européennes qui a favorisé la promotion du fascisme ; les motivations et les raisons qui ont conduit la France à faire le choix en faveur d’une « armistice » plutôt que d’une capitulation.

Les questions portant sur la date du début de la guerre, les causes et les responsables de la pire tragédie de l’humanité ont fait l’objet d’un débat actif. Selon les scientifiques, outre la date officiellement acceptée – le 1er septembre 1939, il est permis de considérer comme la date de début de la guerre l’avril 1939, quand l’Italie a annexé l’Albanie ; et le 30 septembre 1938 – jour de la signature de les Accords de Munich entre l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie, selon lequel la région de la Tchécoslovaquie a été transférée au Reich ; et le début des massacres de Shanghai et de Nanjing en 1937, qui ont déclenché la guerre sino-japonaise, causant la mort de 15 millions de Chinois vers 1939.

La démonstration de l’existence de lien entre les deux guerres mondiales et la présentation du contexte historique de l’entre-deux-guerres ont révélé l’ensemble des prémices, historiques et économiques, qui ont conduit à la Seconde guerre mondiale. Il s’agit notamment du Traité de Versailles, avec ses conditions dures et humiliantes à l’égard de l’Allemagne et son caractère inachevé ; la recherche par les élites financières mondiales d’un moyen de surmonter la crise et de prévenir l’aggravation des contradictions de classe dans le contexte de cette crise, ainsi que la politique criminelle visant à apaiser l’agresseur.

Les historiens ont souligné qu’il serait aberrant d’affirmer que ce fut une guerre collective de l’Occident contre l’URSS, notant qu’il est impossible d’assimiler la volonté politique des dirigeants à la volonté du peuple d’un pays. Il est également inacceptable d’oublier les actions héroïques des participants à la Résistance française et du vaste mouvement antifasciste.

Un vif intérêt a été manifesté à l’égard du rapport du spécialiste français Patrick Bunel sur des exemples de falsification de l’histoire de débarquement des alliés en Normandie par des hommes politiques, du cinéma et des médias ; des exemples qui présentent des collaborateurs comme des héros de la guerre ; diverses preuves et documents justifiant de l’inexactitude de la chronologie officielle et des cartes d’atterrissage des alliés ; donnés sur le nombre de morts, les destructions et les conséquences sur l’environnement du bombardement de la Normandie.

Les participants à la discussion ont fait part de leur regret concernant le fait que les Russes n’avaient pas été invité aux célébrations du 75e anniversaire du Débarquement et de la Bataille de Normandie en juin de cette année, et ont souligné l’injustice historique se traduisant par l’absence de drapeaux de la Russie sur les monuments militaires qui s’y trouvent. Dans le même ordre d’idées, partageant ses souvenirs personnels de la guerre, le professeur Youri Barashkov a prononcé un discours et présenté l’édition française de sa monographie « Moscou, Stalingrad, Kursk, jour “ J ”, Berlin ».

Un large éventail de questions et de pages d’histoire militaire étudiées à la table ronde ont permis de démontrer de manière constructive et complète la fausseté du concept de «culpabilité mutuelle» de l’Allemagne nazie et de l’URSS lors du déclenchement de la Seconde guerre mondiale, activement propagé aujourd’hui.

Cette réunion a été l’occasion de rappeler une fois de plus à l’opinion publique qu’il est important de reconnaître la responsabilité de maintien de la paix et de prévenir la menace d’une nouvelle guerre.