Chers amis !

Il y a quelques années, à la veille du tricentenaire de la visite de Pierre Ier à Paris, mon livre « Pierre Ier en France » a été publié en deux éditions (Saint-Pétersbourg, 2015, 2017). A ce jour, il présente la chronique la plus complète de ce voyage insolite, entrepris par le tsar en avril–juin 1717, les principaux événements politiques et culturels de la visite sont reconstitués. Les portraits des acteurs importants dans le cadre de ce séjour ont été mis en lumière. Le livre a suscité l’intérêt des lecteurs et des avis positifs de la part des scientifiques.

La suite insolite de cet ouvrage était le guide historique et culturel « Paris de Pierre le Grand » (Saint-Pétersbourg, 2019), préparé par le diplomate de l’Ambassade de Russie en France Konstantin Pakhoroukov et moi-même. Ce petit livre vous propose de faire une visite des lieux mémorables liés à « Pierre le Grand » dans la capitale de la France et ses environs.

Je suis très heureux qu’en l’année du 350e anniversaire de Pierre Ier, nos publications servent à préparer des reportages sur des lieux de résidence du premier empereur russe à Paris et en Ile-de-France. Ainsi, chacun aura la possibilité de suivre le tsar pour voyager à travers le temps et l’espace.

Le tsar Pierre Ier a peut-être été le premier Russe à parcourir librement les rues de Paris, à se promener avec plaisir dans les allées des Tuileries et dans le « jardin-potager » de Versailles, à communiquer avec les hommes politiques, les scientifiques et les artistes de France sur un pied d’égalité, et même, selon Voltaire, « a couru les boutiques parisiennes ». Il est significatif que dans ces « boutiques », le tsar s’intéresse non seulement aux produits de luxe, bien qu’à eux aussi, mais aux livres, aux instruments et aux outils scientifiques.

Pierre Ier établit des relations diplomatiques permanentes entre la Russie et la France, jette les bases solides du dialogue culturel franco-russe et ouvre Paris aux Russes. La « fenêtre sur Paris », « percée » et ouverte par le tsar, finit par se transformer en large portail à double sens. Parfois cette circulation bilatérale s’interrompt, mais on aimerait espérer qu’elle ne s’arrêtera pas au profit des Russes et des Français qui, malgré le contexte politique compliqué, ont connu pendant des siècles une sympathie mutuelle.

Bienvenu à Paris de Pierre le Grand !

Sergueï Mézine, docteur en histoire,
Professeur de l’Université d’État Nikolaï Tchernychevski de Saratov

Partie I. Arrivée en France. Dunkerque

Pierre Ier arriva en France le 21 avril (10 avril, selon un nouveau style) et la quitta le 24 juin (13 juin) 1717, après y avoir passé 65 jours.

Il a traversé la frontière française dans la ville de Syudcoote sur une péniche, après avoir navigué le long du canal de Fürn depuis Nieuport. Puis, sur un navire français, il a navigué vers Dunkerque, d’où il a commencé son voyage par voie terrestre vers la capitale française.

Ayant traversé la frontière française à Dunkerque, le tsar fut accueilli par des salves du feu d’artifice.

En quelques heures, un noble de la suite de Pierre a averti que le tsar ne voulait pas d’une cérémonie solennelle. Arrivé à la ville, le tsar monta dans un carosse envoyé de Paris et se rendit à la résidence — le palais de l’intendant, où il fut accueilli par le gouverneur, l’intendant et les membres du magistrat. Pierre inspecta attentivement les ruines de l’ancien port, les écluses et autres bâtiments marins, regarda l’exercice de la garde bourgeoise. Plusieurs nobles marchands lui ont parlé, ils ont déposé une pétition concernant le commerce en Russie, Pierre leur a assuré qu’il encouragerait le commerce, favosriserait et protégerait la navigation des marchands de cette ville.

Pendant quatre jours, le tsar inspecta le vieux port, les forts, les écluses, se promena dans les dédales de ruelles, pénétra dans les tavernes, vit des corsaires moustachus de Dunkerque boire du vin. Parmi eux pourraient figurer ceux qui, en 1714, se sont rendus dans la Baltique et ont chassé sa tête. Cet été-là, un informateur de Gdansk a averti le tsar que les Dunkerquois, avec les Suédois, avaient l’intention de s’emparer de son navire — après tout, « sa sainte majesté royale » était si négligente et désordonnée…

A Dunkerque, Pierre inspecta de nouveau Risban, le fort de Revers et le fort Blanc le matin, assista à l’inspection des troupes sur l’esplanade, visita dans l’après-midi le canal de Mardyck et les écluses qui furent remplies d’eau pour lui, visita deux navires marchands amarrés.

« La curiosité, le désir de tout explorer est la plus grande passion de Pierre, et donc il a voulu voir Risban à Dunkerque, un emplacement de tir à l’entrée du port, Fort de Revers et Fort Blanc, où il a été rattrapé par la marée, ce qui représentait un certain danger, il a facilement sauté sur un cheval et nous n’avons payé qu’avec un carosse parisien, tellement endommagé qu’il est désormais presque inutilisable ».

La description de l’apparence de Pierre remonte également à cette époque : « Le tsar est de très grande taille, ses épaules sont un peu rondes, il a a l’habitude de garder la tête légèrement baissée. Il est basané et dans son expression il y a quelque chose de sévère, il semble qu’il ait un esprit vif et une grande ingéniosité, dans ses mouvements une certaine grandeur est perceptible, cependant pas toujours soutenue. Il est réfléchi et distrait, bien qu’accessible pour tout le monde, on dit qu’il est très fort et capable de travail physique et mental. Il me semble que depuis son arrivée il n’a pas consacré une seule heure à faire des affaires ; s’il y consacrait un peu de temps, seulement pour me laisser finir la lettre, car en ce moment le prince…

De l’instruction donnnée à l’intendant de Dunkerque : « Vers le 14 de ce mois, un noble étranger arrivera à Duunkerke (Dunkerque) pour suivre Calais après », il est prévu d’héberger cette personne et sa suite dans la maison de l’intendant de la marine ou dans la maison de Bernier, il faut meubler les locaux, préparer des carosses ou amarrer des navires. Dans le même temps, des ordres ont été donnés sur les mesures de sécurité et l’itinéraire de Pierre le Grand voyageant incognito, pour son séjour en France, pour sa sécurité personnelle.

Selon Pavel Krotov, professeur à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg, spécialiste de l’histoire de la Russie sous le règne de Pierre le Grand, la visite par Pierre le Grand des forteresses navales, du système d’écluses, de canaux de Dunkerque et de Calais a ensuite influencé la mise en œuvre des structures hydrauliques de la forteresse et du port de Kronstadt par le tsar.

Pour plus d’informations sur le voyage de Pierre le Grand à Dunkerque, consultez les ouvrages de : Pavel Krotov. Séjour de Pierre Ier à Dunkerque et Sergueï Mézine. Au départ de Dunkerque.