РИА Новости https://ria.ru/interview/20180809/1526090523.html
A la fin du mois de juin, le diplomate russe Konstantin Volkov a pris les fonctions du directeur du Centre de Russie pour la Science et la Culture à Paris. Dans un entretien avec Viktoriya Ivanova, correspondante de RIA Novosti il a évoqué la construction d’un «pont» entre les pays sous le vent des divergences politiques, il a précisé où il faut apprendre le russe à Paris et quels sont les liens entre l’écrivain Mikhaïl Boulgakov et le microbiologiste Louis Pasteur.
– Soyez le bienvenu, Monsieur ! C’est votre troisième mission diplomatique en France ce qui est un cas rare dans le milieu diplomatique…
– C’est vrai, c’est déjà ma troisième mission en France, la quatrième – pour toute ma carrière diplomatique. Ce n’est pas souvent que l’on peut avoir trois missions dans le même pays. Je me suis rendu compte de ce fait, ainsi je n’ai pas lié ma future carrière avec la France d’un côté, mais de l’autre, je n’ai exclu cette possibilité non plus : je connais vraiment pas mal le pays, je m’y oriente assez bien et je connais beaucoup de personnes. C’est pourquoi quand on m’a fait cette proposition, j’en étais content. Par contre, je ne suis pas envoyé par le MAE, maintenant je représente l’Agence fédérale pour la CEI, la diaspora russe à l’étranger et la coopération internationale culturelle et en sciences humaines (Rossotroudnitchestvo).
– A Paris il existe deux centres culturels : le premier sous votre direction est le Centre Russe pour la Science et la Culture, le deuxième est le nouveau Centre Spirituel et Culturel Russe situé sur le quai Branly. Quelle est la différence entre les deux, qui s’occupe de quoi ?
– En réalité, nous avons beaucoup de points communs. Sans entrer dans les détails de la structure de l’activité de nos collègues du Centre Spirituel, je vais mentionner que notre centre fonctionne dans le cadre du Règlement sur la représentation de Rossotroudnitchestvo et l’Accord intergouvernemental de 1992 sur la création des centres culturels en Russie et en France. D’ici deux ans le Centre de Russie pour la Science et la Culture à Paris va fêter ses 25 ans. Pendant cette période des liens culturels, scientifiques et académiques franco-russes ont été noués et consolidés, des réseaux scolaires et universitaires ont été mis en place. Nous sommes responsables de la collaboration avec un grand nombre d’organisations : comme des associations des compatriotes ainsi que des organisations professionnelles.
– Et le centre au quai Branly?
– Il a ses propres objectifs. C’est le Centre Culturel et Spirituel Orthodoxe Russe d’où est sa spécificité. Il vient de commencer sa voie et fonctionne principalement à Paris. Cependant les deux centres – au quai Branly et à la rue Boissière – font ensemble tout le nécessaire afin de créer les conditions de la collaboration franco-russe dans les domaines de la culture, de l’enseignement et de la science. Nous cherchons les modes de collaboration, nous partageons nos idées, nos projets, nos centres visent à l’entraide en ce qui concerne les acteurs et les peintres et ceux qui nous adressent leurs projets. Nous aspirons à nous complémenter. Nous sommes deux théâtres avec les répertoires différents, deux musées avec des expositions différentes. Le marché français de la consommation du produit culturel russe est assez vaste et évoque un vif intérêt envers nos projets culturels. Notre programme des manifestations culturelles pour l’année 2019 compte plus de 80 événements, dont plusieurs auront lieu en dehors de Paris. En combinaison avec le programme du centre du quai Branly le champ culturel russe en France s’élargit. A part des événements susmentionnés, les deux centres travaillent beaucoup avec des personnes qui souhaitent initier de nouveaux projets. Les Français et les Russes.
– Ils sont nombreux?
– Les gens viennent chez nous juste comme ça soit ayant consulté notre site internet, soit tout simplement en passant, pendant leur promenade à Paris. Ce n’est que le premier mois de mon poste à Paris, et j’ai déjà fait connaissance avec des dizaines d’artistes, peintres, éditeurs, russisants qui nous amènent des projets intéressants. Ce sont comme des jeunes, ainsi que des maîtres d’art. Par exemple, il n’y a pas longtemps le représentant de l’école de théâtre de Konstantine Raïkine est arrivé à Paris avec son projet : les diplômés de cette école rêvent de donner leur premier spectacle sur notre scène à Paris. Il y a quelques jours l’un des peintres franco-russes, âgé de 81 ans, commissaire de l’exposition qui se tient actuellement au Sénat dans le Jardin de Luxembourg est venu nous voir avec son petit fils. On a fait connaissance, il nous a invité à cette exposition et a proposé quelques projets éventuels à organiser dans nos locaux. Des idées spontanées et des projets comme ce dernier voient le jour au Centre.
– Vous avez parlé des projets pour l’année à venir. Mais si l’on parle de l’année en cours, qu’est-ce qui nous attend cet automne au Centre pour la Science et la Culture ?
– Jusqu’à la fin de cette année deux événements de grande importance sont à réaliser.
Le plus important est le Forum des Russes que nous attendons prochainement. L’agence Rossotroudnitchestvo le prépare, le Centre de la Science et la Culture à la rue Boissière, le Centre Spirituel et Culturel au quai Branly et d’autres plateformes vont l’accueillir. Parmi les sujets à traiter lors du Forum sont l’éducation, la culture, la littérature, le ballet, le cinéma etc. Nous envisageons d’inviter les personnalités illustres françaises et russes. Les discussions importantes d’un grand intérêt auront lieu, mais les points institutionnels ne seront pas à éviter. Je ne vais pas devancer les événements, mais nous souhaiterions contribuer à la mise en place de nouveaux mécanismes institutionnels afin de promouvoir la popularisation éventuelle de la culture russe en France. Dans tous les cas, nous attendons le retour efficace de ce forum. Il a l’occasion d’être l’un des plus grands événements à la base du Centre pour la Science et la Culture à partir de 2010 où l’année croisée France-Russie saturée d’événements importants a eu lieu.
– Et le deuxième événement?
– L’un des objectifs du Centre pour la Science et la Culture est la coopération au sujet de l’aide au développement international et les échanges avec des organisations internationales. Dans le cadre de cette fonction, l’exposé de la République Bachkortostan sera présenté, notamment l’un des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO – la réserve Chulgan-Tache et son art rupestre. Il est évident que le sujet ne se limitera pas à la présentation de l’objet, mais les possibilités et le potentiel de la République seront également abordés. Je crois que celui-ci sera un événement de haut niveau.
– L’année franco-russe de la langue et de la littérature est en cours. Quelles manifestations culturelles seront organisées dans le cadre de cette année?
– Les rencontres avec les écrivains, les éditeurs, les auteurs auront lieu dans plusieurs villes françaises et russes. En plus, un certain nombre d’activités consacrées au livre russe est prévu : le Salon du Livre Russe et encore quelques propositions de ce genre où le Centre Russe pour la Science et la Culture ne servira pas de base, mais y prendra une part active.
– En ce qui concerne la langue russe, elle est enseignée au Centre de Russie pour la Science et la Culture?
– Tout à fait, nous avons des cours de russes qui sont assez bien connus en France. Il ne s’agit pas seulement de cours, mais d’un grand organisme où travaillent plus de 20 professeurs dont les docteurs en philologie. Les spécialistes renommés en russe langue étrangère font partie de l’équipe pédagogique du Centre. Les cours suscitent toujours un grand intérêt, et je suis persuadé que leur popularité va grimper cette année scolaire y compris grâce à l’organisation réussie de la Coupe du Monde de Football et d’autres événements importants. Aux modalités traditionnelles de l’enseignement nous ajoutons de nouvelles formes, par exemple, les cours intensifs. Nous sommes en collaboration avec de grandes entreprises françaises qui souhaitent élargir la compétence de leur personnel grâce à la maîtrise de la langue russe. Si l’on parle de la langue russe en France, nous ne saurions manquer de mentionner « L’école russe à l’étranger ».
– Ce n’est que la langue russe que l’on y apprend?
– En France il y a plusieurs dizaines d’écoles russes qui composent un réseau entier. Nous restons en contact avec eux, j’espère prochainement rencontrer la direction des écoles afin de comprendre leurs besoins, comment on peut aider de manière complémentaire à ce que l’on est en train de faire. C’est l’approvisionnement du matériel pédagogique, l’organisation des colloques sur les enjeux méthodologiques avec la participation des professeurs russes etc.
– Au début de l’été lors du forum des compatriotes, les professeurs de ces écoles ont adressé leurs demandes concernant les manuels à Rossotroudnitchestvo…
– En ce moment je ne peux pas préciser si nous sommes prêts à couvrir tous les besoins, mais nous travaillons là-dessus. Il y a un programme fédéral spécifique « La langue russe » : les ouvrages sont fournis dans le cadre de ce dernier. Le monde bouge. Donc, s’il y a une demande pour les ouvrages scolaires, cela veut dire, que nous avançons dans la bonne direction. Sinon, on va s’adapter. A mon avis, l’une de nos fonctions principales consiste à être une sorte de « pont » entre le Ministère de l’Education et ceux qui s’occupent de la langue russe sur place.
– Néanmoins, la fonction du Centre ne se limite pas à l’organisation du processus éducatif?
– Bien sûr que non. Nous organisons ici des salons du livre, des festivals, des colloques. Nous faisons un travail important sur la sélection des étudiants pour les stages de langue en Russie, nous aidons dans les démarches à faire pour les études en Russie. La formation technique est très demandée actuellement. En plus, à la base du Centre de Russie pour la Science et la Culture le Forum des recteurs et doyens des universités spécialisées en sciences humaines a été créé, la filiale européenne de la Société Historique Russe fonctionne. Et puis, nous proposons l’enseignement supérieur en musicologie, le conservatoire.
– Un vrai Conservatoire ?
– Oui, le Conservatoire Scriabine c’est notre fierté. Je m’intéresse passionnément à la musique et j’ai été surpris par leurs instruments musicaux magnifiques. Chaque instrument a sa propre histoire, ses noms illustres. Parmi les instruments on trouve un piano, des cuivres, une guitare électrique etc. Le Conservatoire a aussi sa chorale, les Français passionnés interprètent des chansons et chantent des romances russes. Et comment ils le font! En ce qui concerne le Conservatoire, on ne peut pas oublier l’Académie d’Échecs, avec la douzième championne du monde Alexandra Kosténiouk, originaire de la Russie, à la tête. En outre, le CRSC, en coopération avec l’Académie des Beaux-Arts, développe le concept de l’école d’art russe à l’étranger, dans le cadre de ce dernier on propose des cours de peinture pour les enfants sous l’égide de l’Académie des Beaux-Arts de Russie. Zourab Tsérétéli et certains maîtres bien réputés ont donné leur accord pour la création des ateliers destinés aux jeunes artistes. Par regret, de nombreuses autres formes de notre activité sont restées en dehors de cet entretien. Nous sommes un grand organisme, une structure polyvalente.
– Vous venez de nommer le CRSC un pont que je proposerais le qualifier d’ un «carrefour des sept chemins». Comment réussissez-vous à travailler à ce carrefour, où on sent un petit souffle de vent frais dans les relations entre Moscou et Paris?
– L’objectif du CRSC est de promouvoir les relations entre la Russie et la France dans le domaine culturel et de faire découvrir au public les valeurs et les réalisations de chacun des deux États. Nous le ferons malgré tout. Notre Centre cherche à faire créer une représentation adéquate de la Russie, quoi qu’il arrive dans l’espace médiatique, quels que soient les vents qui soufflent autour de nous. Le Rossotroudnitchestvo et le CRSC à Paris, tous les deux, s’efforcent de rechercher et d’offrir de nouvelles possibilités de rapprochement, en commençant par des valeurs culturelles communes. Si l’on juge d’après les contacts actuels, il serait erroné de parler du refroidissement. Les propositions de coopération de la part des Français sont assez nombreuses, nous avons une correspondance fructueuse, beaucoup d’appels et de contacts. En autom on poursuivra la saison culturelle bien remplie, nous recommençons à évaluer dans quelle mesure nos projets, nos présentations et nos expositions attirent les visiteurs et suscitent leurs intérêts.
– Pendant les années de travail en France, vous avez bien appris les coutumes de ce peuple. Les différences entre les Français et les citoyens Russes, sont-elles sensibles?
– Je ne veux pas mettre en relief les différences. J’ai été dans de nombreux pays, et j’ai pris l’habitude de chercher plutôt des traits communs. Nous pouvons trouver beaucoup de différences, mais quel est le but de chercher les arguments à contrario? Il vaut mieux chercher ce qui nous unit. Et c’est suffisant. Nous citons d’abord, un riche patrimoine culturel des deux pays. Ce sont l’histoire, le ballet, le cinéma qui nous unissent, les exemples en abondent. Plusieurs villes de deux pays ont conclu des accords de jumelage. Il en résulte 30 villes jumelées environ, il existe des villes jumelées « triplées » Paris-Saint-Pétersbourg-Moscou, les villes fortement liées à l’aéronautique Joukovski et Le Bourget etc. La liste est longue. Il y a aussi de nouvelles villes qui continuent la communication dynamique et maintiennent les relations souvent amicales avec des partenaires russes, et ces villes sont en chemin de se jumeler.
– Oui… Alors que tout cela fait l’objet d’une attention particulière, la journée de travail s’achève. Trouvez-vous le temps pour vous reposer? Quel est votre endroit préféré à Paris?
– J’aime vraiment explorer et me promener dans les rues de la ville. Je m’intéresse aux endroits russes à Paris, c’est mon centre d’intérêt depuis longtemps. J’ai toujours été fasciné de trouver à Paris, par exemple, la place Rakhmaninov, la rue Prokofiev ou d’autres endroits « russes », les faire relier aux événements historiques. Probablement, mon endroit préféré est celui qui cache de nouvelles informations, une découverte. Je suis sûr que les spécialistes travaillant sur Boulgakov le savent, mais pour moi, c’était une découverte de me renseigner sur les liens entre l’Institut français Pasteur (pour nous c’est un vaccin, la pasteurisation) et la famille Boulgakov. Le frère de Mikhaïl Afanassiévitch, Nikolaï Boulgakov, a travaillé avec Pasteur en tant que microbiologiste. Ainsi, malgré le fait que Mikhail Afanassiévitch lui-même n’ait pas eu l’autorisation de quitter le pays pour Paris, qu’il désirait tant pour son frère, on peut mettre l’Institut dans les lieux de Boulgakov en France. Les nécropoles russes en France peuvent faire l’objet de telles découvertes surprises.
– Qu’est-ce que fait le CRSC dans ce domaine?
– Le sujet du maintien et de la conservation des sépultures à l’étranger, des nécropoles russes, a acquis en 2016 une importance particulière, liée à l’inscription du « carré russe » du cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois sur la liste des lieux de mémoire historique de la Russie. Depuis ce moment, il est devenu possible d’aborder sérieusement les questions de la restauration et de la sauvegarde des tombes de manière appropriée. L’inventaire des pierres tombales est en cours d’achèvement. Selon une évaluation préliminaire, 2500 pierres tombales environ du « carré russe » peuvent nécessiter une restauration. Je suis sûr que la tâche de la sauvegarde d’autres nécropoles russes dispersées sur le territoire de la France reste tout aussi importante.