Le 22 décembre Jean Malaurie, un grand savant et un grand ami des peuples autochtones du Nord aura 100 ans. C’est un devoir de la Maison russe des sciences et de la culture à Paris et du Centre de la Société russe de géographie en France de féliciter le scientifique, de lui souhaiter une bonne santé et d’honorer son travail dévoué et courageux pour non seulement étudier mais aussi défendre « les sentinelles » de la Planète.

Dans les années 1940 J.Malaurie étudiait la géomorphologie polaire et la desquamation des roches au Groenland où il a passé deux hivers en mission solitaire. Durant la troisième mission scientifique solitaire au nord du Groenland, à Thulé, il a atteint le pôle géomagnétique de la Terre avec l’aide de son guide et ami local Kutsikitoq.

Les autochtones l’ont appelé « l’homme qui parle aux pierres » et lui, il a emprunté pour toujours leur attitude parentale et respectueuse envers la nature. Le mode de vie et les croyances des inuits vivant en relation étroite avec la nature sévère et froide du grand Nord l’ont fait repenser et changer sa propre attitude envers le monde et se mettre à protéger les peuples premiers encore plus petits et fragiles à l’époque de la mondialisation.

Au courant des décennies suivantes Jean Malaurie a organisé plus de 30 expéditions au Groenland, dans les régions arctiques du Canada, à l’Alaska et en Tchoukotka russe. Son Centre d’études arctiques créé au sein de l’Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris est devenu un centre reconnu de recherche interdisciplinaire de la vie, de la nature et de l’histoire de l’Arctique. Lui-même est devenu le partisan de l’indissociabilité des recherches ethnographiques et géographiques dans l’étude des espaces arctiques.

En 1990 Jean Malaurie a été le directeur scientifique de l’expédition russo-française en Tchoukotka. Cette expédition n’a pas été le début mais une conséquence d’une longue coopération fructueuse du chercheur avec ses collègues de l’Union soviétique.

Encore dans les années 1950 il a commencé à établir les liens avec les chercheurs soviétiques pour avoir la possibilité d’étudier sur place le mode de vie des peuples autochtones (appelé « racines » en Russie) du Nord russe, de la Sibérie du nord. Pendant longtemps cela n’a pas été possible — il devait donc se contenter des résultats des recherches des collègues russes rapportés lors des congrès et des colloques avec une participation des spécialistes étrangers.

Seulement en 1990 grâce au soutien de D.Likhachev et S.Aroutyunov l’expédition soviéto-française en Tchoukotka a été organisée. Là J.Malaurie en compagnie de 14 collègues a pu effectuer des recherches sociologiques, économiques et culturelles des peuples locaux, étudier la célèbre Allée des baleines – un ancien lieu de culte sur l’île de Yttygran dans le détroit de Béring qui se compose des os et des crânes de baleine plantés dans le sol ainsi que des pierres mises dans un ordre précis. Cet endroit mystérieux avait été trouvé en 1976 par une expédition de l’Institut ethnographique de l’Académie des sciences soviétique et jusqu’à maintenant il n’est pas clair quel était son rôle, qui et pourquoi avait construit cette Allée.

Dans ses expéditions Jean Malaurie devenait de plus en plus persuadé que les peuples premiers du Nord, les inuits, sont en grand danger de la part des grandes cultures dominantes — leur méthodes « primitives » et « archaïques » sont perçues comme un défaut demandant la correction. Le chamanisme et l’animisme sont moqués et éradiqués. Les habitants modernes de l’Arctique perdent leurs racines, disparaissent, oublient leur histoire, leur culture et leurs langues.

Arrêter et inverser ces tendances — voilà ce que voulait faire Jean Malaurie. C’est pour cela qu’il luttait pour l’autonomie des peuples du Nord au sein des grands états responsables de leur survie — du Canada, de la Russie, des Etats-Unis. C’est cela qui le guidait dans l’idée de créer à Saint-Pétersbourg l’Académie polaire — le seul établissement d’enseignement qui prépare les cadres pour gérer les territoires du Nord. Ses étudiants — les ressortissants des peuples premiers de Sibérie. En remerciement et en reconnaissance de son rôle dans la création de l’Académie J.Malaurie est élu président honoraire à vie de l’Académie et sa langue maternelle — le français — est étudiée comme la première langue étrangère.

« Aujourd’hui, je suis résolument contre la mondialisation. Le pluralisme culturel — est la condition obligatoire du progrès humain », affirme le professeur Malaurie en ajoutant qu’il n’est pas de pire racisme que culturel.