Tchyngyz Souloumbekov, un réalisateur kirghize âgé de 26 ans, a déjà présenté son court métrage documentaire dans plusieurs festivals en Europe.
Son « Podsolnoukh » (« Tournesol ») a été sélectionné en short liste pour la nomination du « Meilleur court métrage international » au Festival international du documentaire et d’animation « DOK Leipzig » à Leipzig, en Allemagne, et a reçu deux prix à la fois au Festival ouvert du film documentaire « Russie », qui a eu lieu à Ekaterinbourg en novembre de cette année. Dans un proche avenir, le film sera projeté au « Zagrebdox » dans la capitale croate et au « Brussel Millenium » en Belgique. Le jeune réalisateur a parlé au Centre de Russie pour la science et la culture à Paris de ses projets pour l’avenir et de l’avenir du cinéma mondial.
Tchyngyz Souloumbekov est né le 31 août 1994 dans la région de Bakaï-Ata (Kirghizistan). Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, il a poursuivi sa formation à l’Université d’État kirghize de la culture et des arts Bubussara Beichenalieva dans la spécialité « Opérateur de cinéma et de TV » (en 2013–2018).
— Récemment, le Centre de Russie pour la science et la culture à Bichkek a organisé une projection de votre film « Podsolnoukh », dont vous êtes le réalisateur, le scénariste et le caméraman. Qu’est-ce que ça fait de combiner trois rôles dans un même projet à la fois ?
— Pour être honnête, c’était très difficile. Quand toutes les prises de vue avaient été réalisées, je ne savais pas quoi en faire. Dix heures de tournage, que j’ai ensuite regardées pendant près de quarante heures. Mon maître et mes collègues sont venus à la rescousse, ensemble nous avons fait le montage des rushes, ayant d’abord réduit les dix heures de la durée totale à trois, puis de moins en moins, et nous sommes finalement arrivés au timing de 21 minutes. Pendant le tournage, j’étais très à l’aise de travailler sur ce projet. J’allais chez le héros du film, il habite à proximité, pendant 3 mois nous n’avons fait autre chose qu’échanger, le processus de tournage s’est pratiquement déroulé tout seul.
— Dans ce film, vous avez peut-être choisi les sujets les plus passionnants : l’amour, la solitude, les relations enfants-parents. C’est comme si vous étiez aux côtés du héros, et le public était là avec vous, explorant ces sujets encore et encore. Qu’est-ce que l’amour ? Qu’est-ce que la famille ? Avez-vous réussi à trouver des réponses à ces questions ?
— Dans sa vie, le héros, il a vécu l’amour, il a eu une famille, et maintenant à son âge vénérable, il veut les retrouver, peut-être pour corriger des erreurs. Il me semble que l’amour et la famille sont les choses les plus importantes dans la vie d’une personne. Il m’est difficile d’en parler.
— Oui, ce sont des moments très émouvants, qui, d’ailleurs, ont trouvé un écho auprès du spectateur et du haut jury en Allemagne, en Russie, et très prochainement le film sera présenté en Belgique et en Croatie. On vous appelle Xavier Dolan du cinéma kirghize. C’est un énorme succès. Quand verrons-nous votre film en France ?
— Je vous remercie. J’espère vraiment que cela se produira bientôt.
— Nous soutenons activement les projets d’auteurs indépendants, réalisons des projections au Ciné-club du Centre et sommes partenaires de plusieurs festivals de films russes en France. Envisagez-vous de tourner en Russie ?
— Jusqu’à présent, il n’y a pas de tels projets, je travaille activement au Kirghizistan, mais j’espère qu’une telle coopération aura lieu à l’avenir.
— Ce sera peut-être un long métrage ?
— Le moment n’est pas encore venu, je n’ai aucune expérience ni en tant que caméraman ni en tant que réalisateur. En général, je ne me considère pas comme réalisateur, c’est l’un des métiers difficiles, et le tournage de longs métrages est une tâche plus compliquée, pour laquelle je ne suis pas encore prêt. Mais j’ai une idée pour un autre court métrage, peut-être un peu pareil à « Podsolnoukh ». Une histoire personnelle du héros, ses sentiments. L’idée est revenue grâce à une rencontre fortuite. Je marchais vers un studio de cinéma et en chemin j’ai rencontré un vieil homme. J’espère que je pourrai le persuader de tourner, pour l’instant il n’accepte pas (rires).
— Qu’est-ce qui vous a paru intéressant dans son histoire ? Pourquoi voulez-vous le montrer au spectateur ?
— Il est seul, les enfants sont partis quelque part en Russie. Il habite près d’une mosquée, il est chrétien. Chez nous la terre coûte cher, on lui demande de déménager, de laisser son terrain. Il s’intéresse à l’aviation et il a chez lui une collection de parapentes en papier. C’est une personne très intéressante, mais réservée.
— Voici un nouveau scénario de film. Cependant, si vous deviez choisir entre le travail du scénariste, du réalisateur et du cameraman, lequel choisiriez-vous ?
— Je pense que le métier de caméraman. J’adore la technologie, j’adore le montage, j’adore le tournage.
— Aimez-vous regarder des films ? Dans la salle de cinéma ? En raison de l’épidémie, aujourd’hui tous les cinémas sont fermés et certains, malheureusement, ne pourront plus ouvrir.
— Nous en avons récemment discuté avec les gars. J’aime vraiment regarder des films sur grand écran. Mais à l’avenir, je pense que l’écran de l’ordinateur viendra le remplacer. Déjà aujourd’hui, de nombreuses personnes regardent des films sur un smartphone ou une tablette, même pas sur un ordinateur. La technologie évolue dans cette direction, la tendance prend de l’ampleur.
— Oui, dans ce sens, il y a une certaine crise dans l’industrie. Pourquoi avez-vous choisi ce domaine, ce métier ?
— À l’école, j’aimais beaucoup dessiner, sculpter différentes figurines en pâte à modeler. Je voulais intégrer une académie des beaux-arts. Mes parents étaient contre, alors je suis entré à la Faculté de droit. Et après un an d’études, j’ai réalisé que ce n’était pas mon truc, alors j’ai abandonné et je suis allé à l’école de cinéma. Depuis l’enfance, j’ai été très créatif, si je n’avais pas choisi ce métier, je serais devenu artiste ou sculpteur.
— Pourquoi vos parents se sont-ils opposés ?
— Ils ont dit que ce n’était pas un métier, c’était un passe-temps.
— Comment ont-ils vécu le moment, où ils ont appris que vous aviez quand même intégré l’école de cinéma ?
— Papa était très en colère, grondait ma mère, qui me soutient toujours. C’est ma mère qui m’en a parlé, mon père ne m’a rien dit de ses sentiments.
— Il ‘était en colère, mais il ne s’en est pas mêlé.
— Maintenant, il est très content que j’aie choisi ce métier.
— Avec quels films avez-vous grandi ? Peut-être Tolomush Okeev, Gennady Bazarov, Bolot Shamshiev et d’autres réalisateurs de la « collection d’or » de Kirgizfilm.
— Quand j’étais à l’université, on nous a montré de vieux films kirghizes en noir et blanc. Je n’aimais pas tout cela, mais après 2-3 cours, j’ai commencé à m’y impliquer. J’ai regardé tous les films d’Andrei Tarkovski, Akira Kurosawa, Mikhaïl Kalatozov, j’aime vraiment le caméraman de Tarkovskyi Vladimir Youssov, le caméraman de Kalatozov Sergey Ouroussevsky, j’adore ce caméraman.
— Qu’est-ce qui vous a impressionné exactement avec son travail ?
— J’ai été ravi quand j’ai vu pour la première fois le film de Kalatozov « Quand passent les cygognes ». Là, la caméra danse avec les personnages, le caméraman vit littéralement avec ces personnages. Il est très difficile de garder la composition pendant un tel tournage, et lui, il faisait toujours la lumière parfaite, la composition parfaite. Il a utilisé des rails inhabituels, ses propres techniques.
— Parmi les dernières œuvres cinématographiques quelles sont vos films préférés ?
— J’ai récemment regardé le film « Le Balenier » (réalisateur : Philippe Youriev, producteur : Alexey Ouchitel. Russie, Belgique, Pologne 2020). Un appareil photo très vivant, une image vivante. Le film est une fiction, mais suite au travail de la caméra, vous semblez regarder un documentaire.
— Y a-t-il d’autres réalisateurs russes que vous préférez?
— Oui, j’adore les films d’Andrei Zvyagintsev. Surtout, j’aime son premier travail « Le Retour ». Le caméraman Mikhaïl Krichman, qui travaille avec Zviagintsev, est considéré comme l’un des meilleurs de Russie, j’aime vraiment ce qu’il fait. Il adore la lumière naturelle et donne allure dans le cadre. Il a une atmosphère particulière tendue dans les images.
— Et quels réalisateurs occidentaux préférez-vous ?
— Christian Munciu, ses premières œuvres. J’ai regardé presque tous les films de Yorgos Lanthimos. J’adore aussi les émissions de télévision, du dernier que j’ai vu — « La favorite », « Breaking Bad », même si elles sont sorties il y a longtemps, mais je n’ai pu les regarder que récemment.
— Est-ce que vous regardez les films de vos collègues, dont les œuvres sont également présentées dans les festivals où participent les vôtres ?
— Ou, bien évidemment. Il y a de très bons réalisateurs de documentaires à Bichkek, et il y a de bonnes écoles privées de cinéma. Parfois, je me demande où ils trouvent de telles idées de films, de tels héros, où je suis allé tout ce temps et pourquoi je n’ai pas trouvé la même chose (rires). Mais en général, les films documentaires ne sont presque jamais tournés au Kirghizistan ; en général, notre cinéma ne fait que se développer. J’aimerais beaucoup fréquenter des facultés de cinéma, des écoles et des cours ouverts dans d’autres villes, afin que le cinéma moderne se développe activement dans notre pays.
— Qu’est-ce que vous souhaiteriez-vous à la veille des fêtes de fin d’année?
— Je veux créer un film utile pour le public, un bon film.